La culture doit faire partie intégrante d’un nouvel ALENA
Un pays, et sa culture, se distingue des autres par les histoires qu’il raconte à son propre sujet et à propos de sa place dans le monde.
Ces histoires sont racontées dans les livres et les magazines, à la télévision et au cinéma, par le journalisme en onde et dans la presse écrite, par la musique et le théâtre, et de biens d’autres manières.
Au Canada, nous avons la chance d’avoir une riche source de raconteurs au pays qui font des récits incroyables.Nous pouvons en être fiers, mais la fierté n’est tout simplement pas suffisante si notre voisin est le plus grand producteur de biens culturels au monde.
Les Canadiennes et Canadiens consomment de la culture américaine tous les jours.Dans l’ensemble, c’est une bonne chose.Nous avons accès à d’incroyables films, émissions de télévision et bien d’autres produits culturels provenant du sud de la frontière.En tant que pays, nous bénéficions d’une telle facilité d’accès aux médias américains.
Un problème se pose lorsque nous en recevons trop et lorsque cela nuit à notre capacité de raconter nos propres histoires.Compte tenu de leurs énormes budgets de production et de marketing, les industries culturelles américaines ont un net avantage sur les entreprises médiatiques canadiennes.
Avec un marché intérieur de 350 millions de téléspectateurs, les compagnies médiatiques américaines peuvent déverser leurs produits dans notre marché à des prix bien inférieurs aux coûts de production d’ici, et sans devoir investir dans les infrastructures ici non plus, dont le journalisme.
Pour cette raison, les gouvernements fédéral et provinciaux ont aidé pendant des années à promouvoir le contenu culturel canadien par le financement, des exigences minimales de contenu et des mesures réglementaires.Le marché à lui seul ne peut pas assurer des règles du jeu égales.
À cause du rôle vital qu’elles jouent dans la définition de notre caractère national, les industries culturelles ont été exemptées de l’accord initial de libre-échange nord-américain.Au moment où cet accord est en train d’être renégocié, il est impératif que l’exemption soit maintenue.
Le monde a changé depuis l’accord initial de l’ALENA en 1994. À ce moment, il n’y avait ni Netflix ni Internet, tel que nous les connaissons aujourd’hui.En 1994, l’idée de télécharger des émissions de télévision, des films ou de regarder les nouvelles du soir à partir d’un ordinateur ressemblait à de la science fiction.Aujourd’hui, il semble que tout le monde le fait.
Pour moi, cela renforce davantage l’importance de conserver une exemption culturelle parce que les menaces à nos industriels culturelles n’ont jamais été aussi grandes.
Personne ne sait ce que l’avenir nous réserve en matière de nouvelles technologies et des nouveaux moyens de consommer les médias.La seule manière que nous pouvons espérer réagir d’une façon efficace consiste à maintenir une exemption culturelle claire et étendue dans l’ALENA, comme nous l’avons fait depuis vingt-cinq ans; une exemption qui nous permet de soutenir et de promouvoir nos industries culturelles, sans interférence et influence américaines.
En dépit de l’incertitude quant à l’arrivée de nouvelles technologies, le Canada peut prendre des mesures rigoureuses maintenant et que je préconise, alors que je retourne à Washington pour les pourparlers de l’ALENA cette semaine.
D’abord et avant tout, aucun ALENA ne peut entraver le soutien aux nouvelles locales, aux sports et au divertissement.Nous devons être en mesure de raconter nos propres histoires à nos communautés partout au Canada, qu’elles soient petites ou grandes, ce qui signifie qu’il faille défendre les nouvelles locales.
À l’échelle nationale, nous devons soutenir la Canadian Broadcasting Corporation / Société Radio-Canada.La CBC et Radio Canada jouent un rôle vital pour informer les Canadiennes et Canadiens de ce qui se passe dans d’autres parties du pays, et pour donner une perspective canadienne aux nouvelles provenant d’ailleurs.
Qui plus est, en tant que radiodiffuseur national dont le mandat de diffusion doit couvrir tout le Canada, la CBC joue un rôle vital afin de promouvoir notre sentiment jamais totalement acquis de ce que cela signifie faire partie de ce pays.
Parce que nos radiodiffuseurs privés jouent aussi un rôle important dans la diffusion d’histoires canadiennes, l’ALENA ne doit contenir aucune mesure qui les exposerait à un achat possible par des conglomérats médiatiques américains.
Les règles du jeu doivent être équitables entre les radiodiffuseurs canadiens et les entreprises de diffusion en continu comme Amazon, Netflix et Disney.Le Canada débat encore des meilleures mesures à prendre, mais nous ne pouvons laisser aucun accord commercial, y compris l’ALENA, restreindre ce que les gouvernements peuvent faire pour protéger les intérêts canadiens.
De la même manière, la croissance alarmante de diffuseurs étrangers offrant du contenu piraté, qui font des affaires dans les médias qu’ils n’ont pas payés, exige des mesures pour faire en sorte que les créateurs de ces contenus soient correctement soutenus.L’ALENA ne peut faire obstacle à cela.
La culture ne fait pas toujours les manchettes pendant les pourparlers sur le commerce comme les secteurs de l’automobile ou de l’agriculture le font, mais il s’agit d’une grosse industrie qui emploie des milliers de Canadiennes et Canadiens, dont des milliers de membres d’Unifor dans les journaux, chez les radiodiffuseurs et les plateaux de tournage de télévision et de cinéma.
Nous ne pouvons simplement présumer que la culture continuera d’être exemptée d’un nouvel ALENA.Après tout, le négociateur en chef américain, Robert Lighthizer, a été citépour avoir dit que « l’exemption culturelle n’est souvent qu’un protectionnisme culturel ».
L’équipe de négociateurs canadiens reste déterminéeà défendre le droit du Canada à promouvoir sa propre identité par une industrie culturelle faite maison.C’est une bonne nouvelle.
Alors que les négociations sur le commerce arrivent à terme, comme il semble être le cas, nous devons tous défendre cette position.
Jerry Dias
Comments