- Howard Law
Le journalisme vu par les gilets jaunes
Il n’a pas fallu beaucoup de temps au Parti conservateur du Canada pour attaquer la nouvelle aide fédérale annoncée à l’intention du secteur des nouvelles locales.
Dans une lettre de financement rédigée par Hamish Marshall, le chef de campagne d’Andrew Scheer, qui a déjà été le directeur des nouvelles de Rebel Media d’Ezra Levant, les Canadiens sont mis en garde contre le « stratagème des pots-de-vin de 600 millions de dollars dans les médias » en cette année électorale.
Selon M. Marshall, les libéraux ont versé des « centaines de millions de dollars à la CBC, une copine des libéraux depuis 2015 ».
Encore pire selon lui, le président national d’Unifor Jerry Dias, qui représente des milliers de travailleuses et travailleurs des médias au Globe and Mail, au Toronto Star et au Toronto Sun, compte défaire les conservateurs : « Les syndicats des grandes entreprises médiatiques veulent nous détruire, a déclaré Hamish Marshall. Les journaux indépendants disparaissent, ce qui signifie que les Canadiens ne disposeront d’aucune alternative locale lorsque les organisations journalistiques nationales laisseront le champ libre à Justin Trudeau. »
Nous avons déjà discuté de cette grande sagesse, qui nous a été proposée par des conservateurs plus traditionnels que ne l’est Hamish Marshall plutôt favorable au mouvement des gilets jaunes.
Oui, il y a plus d’argent pour notre diffuseur public. Les libéraux ont donné à la CBC/RC un coup de pouce financier de 150 millions de dollars en 2016, rétablissant 20 % des coupes de 800 millions de dollars faites par Jean Chrétien et Stephen Harper au cours des 30 dernières années.
Toutefois, l’équation « Jerry Dias = parti pris envers le journalisme traditionnel » est farfelue.L’idée générale est la suivante : si les journalistes versent des cotisations syndicales à Unifor, ils ne peuvent que déformer la couverture journalistique pour plaire à Jerry Dias. Posez-vous cette question, cher lecteur : avez-vous payé vos impôts fédéraux ce mois-ci pour apaiser Justin Trudeau?
Mais ce que je préfère, c'est l'affirmation de Hamish Marshall selon laquelle, du fait de la disparition des organisations de presse indépendantes, les honnêtes gens n'ont pas d'autre choix.Il n’y a pas grand-chose à décoder ici : il veut dire que « toutes les organisations journalistiques nationales » sont contre les conservateurs.
Postmedia est la plus grande organisation journalistique nationale (jusqu’à présent) qui emploie le plus grand nombre de journalistes, ce même Postmedia qui est présidé par le mécène du Parti conservateur Paul Godfrey, éditeur du National Post, celui-là même qui a demandé en 2015 à ses 36 grands quotidiens d’appuyer la campagne de réélection de Stephen Harper, le même Paul Godfrey qui publie les tabloïdes de Sun Media à Toronto, à Calgary, à Edmonton, à Ottawa, à Winnipeg et à Toronto. M. Marshall rougirait d’admettre que ce sont des organisations pro-conservatrices. Il est également l’éditeur des plus grands (ou des seuls) journaux grands formats de ces grands marchés métropolitains : Vancouver Sun, Calgary Herald, Edmonton Journal, Regina Leader-Post, Ottawa Citizen, London Free Press et Gazette de Montréal.

D’accord, peut-être que M. Marshall s’est un peu emporté, il s’agit d’un bailleur de fonds après tout. Peut-être que la plus grande organisation journalistique nationale n’est pas l’ennemi du conservatisme.
Puis, il y a le Globe and Mail.
Propriété du milliardaire David Thomson, cette organisation journalistique a donné son appui auParti conservateur en 2006, 2008, 2011 et 2015. Au cours des deux derniers mois, le Globe and Mail a fait tout son possible pour éviscérer le gouvernement Trudeau dans le scandale de SNC-Lavalin.
Vous voyez une tendance? Au cours des quatre dernières élections fédérales, le Parti conservateur a bénéficié de l’appui des plus grands journaux canadiens 77 % du temps.
Évidemment, les appuis électoraux n’offrent pas toujours un portrait complet de la soi-disant partialité des médias. C’est parce que les journalistes se fichent bien de ce que pensent les propriétaires. En tant que groupe, les journalistes sont plus sceptiques quant au pouvoir et au privilège que la plupart des gens.
Toutefois, le fait que les journalistes soient accusés de partialité n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Cela signifie probablement qu’ils essayent d’éclairer les lecteurs quant aux rouages internes bien déguisés des puissantes institutions. Personne n’a jamais accusé un présentateur météo de partialité.
Dans cette mer de partis pris médiatiques, plus de journalisme, c'est bien. Les Canadiens peuvent juger, choisir et même récompenser les organisations journalistes auxquelles ils font le plus confiance.
En fait, la confiance du public dans les médias est le test ultime en matière de partialité, que M. Marshall aime ou non les résultats.
Les plus récents sondages nous rappellent que la majorité des Canadiens ont une grande confiance envers les journalistes, mais vous remarquerez aussi que 69 % des Canadiens font confiance aux médias traditionnels. Alors que seulement 45 % des électeurs conservateurs leur font confiance.

Il ne fait aucun doute que M. Marshall considérera que la confiance des électeurs non conservateurs dans les médias est une preuve de la partialité de gauche des répondants aux sondages. Apparemment, toute personne n’appuyant pas le Parti conservateur est un partisan de la gauche. Ou, seigneur, un centriste.
Ou peut-être même que les niveaux élevés de confiance envers les médias sont la preuve que tous les Canadiens, à l'extérieur de la mouvance conservatrice, ont subi les assauts des dirigeants syndicaux?
Eh bien, beau travail, Jerry. Je savais que vous pouviez le faire.
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