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  • Unifor Media Council

Contenu canadien : doit-on s'attendre au pire ?

August 22


Il y a deux semaines, le géant américain des médias CBS annonçait le lancement en 2018 de son nouveau service de diffusion vidéo en continu « All Access » au Canada et aux États-Unis. Plus particulièrement, CBS a fait savoir que la pratique, établie depuis longtemps, par laquelle les grandes entreprises américaines accordent aux diffuseurs canadiens des licences de diffusion de séries télévisées américaines à succès, serait progressivement discontinuée. S'adressant aux analystes de Wall Street, Les Moonves, chef de la direction, a expliqué que CBS lorgnait les 50 million d'abonnés internationaux de Netflix, pensant pouvoir exploiter ce marché et son riche portefeuille d'émissions à succès.


D'ailleurs, CBS mise fortement sur le fait que la télévision sur Internet remplacera la télévision conventionnelle. CBS est propriétaire d'un grand nombre d'émissions très populaires, dont la franchise Star Trek, et prévoit diffuser l'émission pilote de sa prochaine série (Star Trek : Discovery) sur son réseau télévisuel conventionnel, pour ensuite vendre le reste de la série uniquement aux abonnés de son service All Access.


Après l'annonce par CBS, Greg O’Brien (qui édite CARTT.ca, site incontournable pour l'industrie canadienne de la radiotélédiffusion) a immédiatement prédit un tournant dans le destin du secteur au Canada. En effet, si des entreprises américaines telles que CBS, Hulu at Amazon s'associent à Netflix sur le marché canadien, tout en privant les diffuseurs canadiens de toute chance de diffuser sous licence les séries américaines à succès, alors CTV, Rogers, Corus et TVA sont en grave difficulté.


Notre réalité est que les diffuseurs canadiens font de l'argent en vendant des séries télévisées à succès, surtout américaines, aux abonnés et aux annonceurs canadiens. Sans ces émissions, il est probable que ces diffuseurs perdraient une grande partie de leur auditoire, qu'il s'agisse de spectateurs de télévision en direct, par câble ou sur leurs propres canaux Internet. Non seulement perdraient-ils des revenus, ils risqueraient même de disparaître entièrement s'ils ne trouvaient pas des façons de s'adapter.


Vous n'êtes pas obligés de verser une larme sur le sort des diffuseurs canadiens si vous ne le voulez pas, et peut-être que les milliers de bons emplois que représente ce secteur vous laissent indifférents. Mais si le contenu canadien vous tient le moindrement à cœur, vous devriez être profondément alarmés.


Les émissions d'actualités canadiennes et les dramatiques et documentaires à contenu canadien ne sont plus rentables. Mais grâce aux règlements du CRTC, les diffuseurs canadiens allouent chaque année des milliards de dollars, au moins 30 % de leurs budgets, aux émissions canadiennes, dont une bonne part est consacrée aux actualités locales (11 %) et aux programmes d'intérêt national (5 %).


Toutefois, comme le montre l'annonce de CBS, les diffuseurs se livrent une âpre concurrence pour les abonnés d'émissions télévisuelles en continu, et de fortes perturbations sont à prévoir. Nous pourrions assister à la venue d'une vaste gamme de services américains de diffusion vidéo en continu, semblables à des chaînes de télévision à contenu exclusif. Ou il se pourrait que les consommateurs résistent à s'abonner à plusieurs services et obligent ainsi les diffuseurs sur Internet à offrir un contenu groupé, à l'instar de ce qu'offre actuellement la télévision par câble.


Dans un cas comme dans l'autre, si le gouvernement canadien persiste à maintenir le statu quo, à savoir que la télévision par Internet reste exempte des règles régissant le contenu canadien, nous pouvons nous attendre à voir le marché canadien dominé par des entreprises américaines de médias qui ne diffuseront ni contenu canadien, ni actualités locales canadiennes, et qui ne contribueront pas un sou à quiconque diffusera de telles émissions.


Unifor et ses nombreux alliés au sein de la communauté des créateurs disent depuis des années au CRTC et au gouvernement fédéral que, s'ils ne formulent pas un nouveau régime de réglementation de la diffusion sur Internet, un régime permettant aux diffuseurs canadiens de continuer à mettre en onde des émissions à contenu canadien, notre pays se dirige tout droit vers l'apocalypse culturelle.


C'est le mois prochain que Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien, publiera son rapport sur le contenu canadien dans un monde numérique. Espérons que les nouvelles seront favorables.


Howard Law

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