Fardeau fiscal ou fumisterie?
Les bêtises qu’on entend à Québec et Ottawa, pour justifier le refus de taxer les Netflix de ce monde de la même façon que leurs concurrents soulèvent une embarrassante question. Ces députés, qui votent les lois et administrent les revenus de l’État, savent-ils de quoi ils parlent au juste quand ils brandissent le spectre du «fardeau fiscal» qu’ils refuseraient d’alourdir?
Ça s’appelle de la démagogie.
Quand la croissance économique s’améliore, les revenus de l’État augmentent. Est-ce que ça veut dire qu’on n’alourdit le fardeau fiscal des contribuables? Bien sûr que non. Quand vous achetez un nouveau mobilier de salon, votre fardeau fiscal n’augmente pas non plus. Vous pouvez troquer Videotron pour Bell, ou vous vous abonnez aux deux si ça vous chante. Vous n’irez pas vous plaindre que votre fardeau fiscal augmente pour autant.
Les partis politiques, la CAQ notamment et le gouvernement Trudeau au grand complet, confondent allègrement deux notions tout à fait distinctes et indépendantes: l’équité fiscale et le niveau de taxation. Le premier exige que le deuxième s’applique également à tout le monde.
Égale à elle-même, la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, affirmait cette semaine que «nous, on a mis 2,2 milliards de dollars en culture sans augmenter les taxes...». Oui, mais son gouvernement prévoit aussi un déficit de près de 20 milliards $, pourquoi augmenter les taxes alors?
Cette semaine le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão a annoncé l’intention de son gouvernement de percevoir la taxe de vente, et même la TPS tant qu’à y être, sur les ventes en ligne. M. Leitao tient un discours cohérent, et rafraîchissant dans les circonstances, comparé à Ottawa.
Il reste à voir si les moyens qu’il entend mettre en œuvre seront suffisants pour atteindre les objectifs qu’il se fixe. Le ministre a déposé vendredi son plan d’action sur les paradis fiscaux, dont un chapitre porte sur la perception de taxe de vente pour le commerce en ligne. Québec veut simplifier l’inscription des entreprises au registre de Revenu Québec, mais compte sur l’Agence des services frontaliers pour la perception des biens achetés à l’étranger.
En réponse cette semaine, les deux principaux partis d’opposition n’ont pas la position la plus claire face aux intentions du gouvernement.
La solution du PQ serait de percevoir désormais la taxe de vente sur les biens et services achetés à l’étranger sur Internet, mais de réduire le taux de taxation d’un montant équivalent à la hausse de revenus. La CAQ, de son côté, croit qu’on ne devrait appliquer la taxe qu’à certains produits et services vendus en ligne, et pas à d’autres.
Comme si les choses n’étaient déjà pas assez compliquées comme ça.
Le but de ces sparages, évidemment, n’est pas de régler le problème fiscal que pose un espace numérique que nos lois n’avaient jamais prévu. C’est de faire croire aux électeurs qu’ils auront plus d’argent dans leurs poches s’ils votent pour l’un ou l’autre parti.
Soit, les élections s’en viennent, mais il y a certains dossiers qui méritent un meilleur sort. Celui-là devrait figurer au haut de la liste.
Jusqu’ici, la position la plus claire et la plus articulée est venue de Québec solidaire et de son projet de loi 997, encadrant le commerce en ligne. M. Leitão a soulevé de bonnes questions sur certains des moyens proposés par QS, mais il aurait tort d’ignorer cette proposition.
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