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  • Howard Law

La lutte pour le contenu canadien (2018-2020)

« Tu fais partie du système, tu contribues. Pas de passe-droit. » – Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien, 3 juin 2018


La lutte pour la souveraineté culturelle canadienne est engagée. Et non, il ne s’agit pas d’une bataille contre Donald Trump. Il s’agit d'un débat entre les Canadiens.


Les libéraux de Justin Trudeau se sont fermement engagés à l’égard de la création de contenu canadien. Après avoir tergiversé pendant deux ans, les ministres du cabinet responsables de la télédiffusion et des télécommunications ont annoncé leur élégante solution au conflit apparent entre le contenu canadien et les opposants à la réglementation.


Cette solution consiste à étaler le fardeau des contributions de l’industrie du câble au contenu canadien et aux nouvelles locales, une dîme annuelle qui s’élève à 400 millions de dollars sur les revenus, à tous les acteurs de l’univers médiatique, c’est-à-dire les fournisseurs nationaux de services Internet et sans fil et les diffuseurs étrangers de vidéos en continu comme Netflix.


Dans la mesure où les entreprises de câblodistribution ont pu intégrer des droits sur le contenu canadien aux factures mensuelles des clients, à l’avenir, les consommateurs de la télévision par câble payeront moins cher alors que d’autres commenceront à payer des montants beaucoup moins élevés. Comme le président du CRTC Ian Scott l’a suggéré, il s’agirait d’une hausse mensuelle de 0,50 $ sur une facture moyenne de 47 $ pour le service à large bande.


Les libéraux s’efforcent de rassurer les électeurs que cette restructuration des médias canadiens n’aura aucune incidence sur les coûts.


« À mon avis, il est très important de s’assurer que les Canadiens ne payent pas plus cher, a déclaré Navdeep Bains, ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, le 5 juin. Il s’agit vraiment d’une question de qualité, de couverture et de prix, et la population canadienne s’est d’ailleurs dite inquiète des prix. »


Une série de décisions politiques gouvernementales visant à accroître la concurrence entre les fournisseurs de services sans fil s’en est suivie, tout comme l’inauguration d’une initiative de l’industrie offrant un accès à la bande passante peu dispendieuse aux Canadiens à faible revenu. Il aura fallu beaucoup de temps, mais il semble que les libéraux ont enfin pris les choses en main en ce qui concerne les dossiers des médias et des télécommunications.


L’offensive tarifaire des services Internet de Navdeep Bains a pour but de neutraliser l’opposition politique à l’égard de la politique sur le contenu canadien de Mélanie Joly. À l’échelle de la politique, les critiques du gouvernement sont en quelque sorte coincés.


C’est que le soutien financier de 400 millions de dollars en vue de la création de contenu canadien et de nouvelles locales ne peut provenir que des droits imposés par l’industrie ou d’une hausse des dépenses gouvernementales. Même si les critiques de Mélanie Joly sont en désaccord avec ces deux aspects, leur indifférence ou hostilité à l’égard de la culture canadienne sont évidentes.


Toutefois, il y a une différence entre gagner le débat sur les politiques et gagner sur la scène politique. Une élection fédérale aura lieu d’ici la mise en œuvre législative du programme libéral prévue en 2020.


Il ne faut pas s’attendre à ce que les critiques se battent honnêtement. Il y aura des attaques opportunistes concernant la « taxe Netflix » et une révérence religieuse pour Internet, laquelle sera exprimée comme étant la « neutralité du Net ».


Malheureusement, on oublie le sort des nouvelles locales dans toute cette révolte.


Une tranche de 150 millions des contributions à la télévision par câble de 400 millions de dollars maintient à flot les stations indépendantes de télévision locale. Alors que Google et Facebook continuent à siphonner les revenus publicitaires du marché télévisuel canadien, la précarité financière de ces stations pourrait s’aggraver.


Même les stations locales de réseau détenues par Bell, Corus, Rogers et Québecor ont des difficultés. La plupart de ces stations perdent de l'argent et sont interfinancées par leurs sociétés mères.


Le journalisme de presse écrite se trouve dans la plus mauvaise des positions. Les libéraux n’ont rien fait de plus pour stopper le déclin rapide du journalisme de presse écrite dans les salles de rédaction quotidiennes du Canada que d’offrir une somme symbolique de 10 millions de dollars provenant du Fonds du Canada pour les périodiques. En réalité, le soutien financier renouvelé pour la SRC a exercé des pressions concurrentielles, dont les conséquences sont imprévues, sur les sites Web de nouvelles.


Alors que la nouvelle audace du gouvernement Trudeau concernant la question de la culture canadienne pourrait ou pourrait ne pas produire des résultats positifs (la question de l’élection fédérale de 2019 demeure), il lui reste à sauver le journalisme canadien.


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