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  • Howard Law

Andrew Coyne et la grande menace qui plane sur le journalisme


Andrew Coyne est le journaliste conservateur le plus intelligent et le plus ouvert d'esprit au Canada. J'ai toujours hâte de lire sa chronique dans le National Post, propriété de Postmedia, ou de l'écouter, lui et Chantal Hébert, à l'émission « At Issue » sur CBC.



Andrew Coyne y voit une grave menace pour l'indépendance des journalistes et, par conséquent, pour notre démocratie.



L'argument d’Andrew Coyne ressemble à ceci:


  • Les journalistes sont, et doivent continuer d'être, indépendants des influences qui pourraient manipuler leurs reportages.


  • Un gouvernement fédéral qui tient les cordons de la bourse d'un crédit d'impôt annuel de 45 millions de dollars pour la main-d'œuvre des organisations journalistiques mettra tous ses journalistes en situation de conflit d'intérêts, ce qui faussera la couverture.


  • Le plan qui consiste à laisser un groupe de journalistes, ou d'autres acteurs non partisans, décider quelles organisations journalistiques sont légitimes est une façade ou pire.


Pour vérifier son hypothèse, cependant, il faut considérer que ce qui suit doit être vrai:


  • À l'heure actuelle, les journalistes sont indépendants des influences qui pourraient biaiser leurs reportages, qu'ils soient employés par le National Post de droite ou par le Toronto Star de gauche.


  • C'est parce que les patrons de l'information qui embauchent et congédient les journalistes canadiens – qui sont presque tous des particuliers fortunés ou de grandes entreprises – n'interfèrent jamais dans la couverture médiatique de leurs journalistes.


  • Les journalistes de la revue Macleans, des hebdomadaires des petites villes et d'autres médias qui reçoivent déjà des fonds du gouvernement par l'entremise du Fonds canadien pour les périodiques, vieux de 150 ans, sont sûrement sous le contrôle du gouvernement, et leur couverture en témoigne.


  • Les journalistes des stations de télévision hors réseau – qui, par la grâce du CRTC, se partagent une subvention de 150 millions de dollars chaque année – accordent aux gouvernements un passe-droit dans leur couverture journalistique.


  • Les journalistes de la CBC/RC financée à hauteur d'un milliard de dollars, y compris les bourreaux du gouvernement comme Robyn Urback et Neil Macdonald, se montrent également indulgents envers les gouvernements.


Nous pouvons tous décider si le financement gouvernemental actuel du journalisme a permis aux gouvernements canadiens d'obtenir une couverture complaisante. Et, au fait, SNC Lavalin?


Pour ce qui est du rejet par Andrew Coyne d'un groupe d'experts pour surveiller l'aide gouvernementale, nous devrons attendre que ses membres soient annoncés. Tout le monde est d'accord avec lui sur ce point: les nominations doivent être non partisanes et irréprochables. (Andrew Coyne ne serait pas un mauvais choix parmi tant d'autres, mais il est peu probable qu’il accepte.)


Mais pour vraiment tester son théorème, il faut vérifier comment son « conflit d'intérêts » est réel ou non, plutôt qu'une simple peur.


Pour être une menace réelle, l'envie de plaire au gouvernement devrait aller au-delà des intérêts de richesse, de classe et d'idéologie des propriétaires des médias, qui sont principalement des gens de droite si l’on tient compte de leur appui électoral au fil des ans.


Ces propriétaires cherchant à plaire au gouvernement commenceraient à s'ingérer dans le recrutement et le licenciement de leurs journalistes, un pouvoir actuellement délégué à leurs rédacteurs en chef.


Les propriétaires et leurs nouveaux rédacteurs en chef soumis feraient savoir aux journalistes qu'ils s'attendent à une couverture adoucie des scandales et des politiques du gouvernement. Cela signifierait de relayer des histoires importantes couvertes par la concurrence. Cela signifierait dire aux journalistes - ou utiliser un stylo rouge - de choisir leurs sources d'information en fonction d'un point de vue pro-gouvernemental, de déformer les faits ou d'omettre des informations cruciales. Cela signifierait qu'il faudrait mettre au pilon des articles non conformes à l’idéologie ou congédier les journalistes qui ne coopèrent pas.


Pendant ce temps, les lecteurs ne s'en apercevraient jamais et continueraient de regarder le journal télévisé.


Les journalistes (soutenus par leurs syndicats) ne dénonceraient jamais la situation.


À la fin de la discussion, Andrew Coyne et ses collègues sceptiques devraient à tout le moins répondre à la question suivante: qu'en est-il de la crise des nouvelles locales?


La couverture implacable de la politique fédérale par Andrew Coyne, Bob Fife, Susan Delacourt et la brochette de journalistes de la Colline du Parlement ne risque pas de disparaître. Le bureau de presse d'Ottawa est le symbole d’indépendance du journalisme canadien. Ce sera le dernier à être dépassé par l'effondrement du modèle d’affaires des médias basé sur les revenus publicitaires.


Ce qui est en train de mourir (dans le désert de l'information), ce sont les nouvelles locales. Deux cent cinquante journaux ont fermé leurs portes depuis les dix dernières années.


Nous avons des élections fédérales en 2019 et plusieurs autres scrutins provinciaux, dont le vote du 15 avril en Alberta. La couverture des campagnes locales est importante pour les électeurs. Même chose pour leurs enjeux locaux.


Dans une chronique précédente, Andrew Coyne a répondu par un haussement d'épaules à la question « Quelle est l'alternative à l'aide gouvernementale? ». Essentiellement, à son avis, c'est aux électeurs de trouver un moyen de s'informer.


Ce qui équivaut à dire oui à l'ignorance et à la destruction de la liberté.











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